Kerbernard dans l'histoire

LeTresle-Cour


Kerbernard est situé à 3,5 km au nord-ouest du bourg d'Assérac, sur la petite route qui joint les départementales 82 (route d'Assérac à Pénestin) et 83 (route d'Assérac à Tréhiguier).

Le 24 mars 1623, Marc Le Trelle et sa femme Claude de Kerpoisson achètent la terre de Kerbernard à François de Lesquen (1579-1649) et Renée de Talguern.

Auparavant, pour cette terre, Ysabeau de Théhillac, mariée à Hélie de Talguern, rendait aveu le 2 août 1612 au marquisat d’Assérac.
Ultérieurement, le 17 août 1627, Marc Le Trelle le rendait en personne, puis son fils Jan Le Trelle le 18 janvier 1648.

Depuis Marc Le Trelle, Kerbernard est resté dans la même famille.


Une occupation très ancienne

Cependant, Kerbernard est d’origine beaucoup plus ancienne.
Par exemple, Kerbernard figure dans l’état dit de « Réformation des fouages de 1426 », premier recensement d’habitants qui ait jamais eu lieu en Bretagne.

Par ailleurs, le 12 avril 1556, lorsque la noblesse de La Roche-Bernard est convoquée par Jean de Saint-Gilles, seigneur de Pordor, sur ordre du duc d'Étampes, gouverneur général du Roy en Bretagne, sept gentilshommes ont comparu pour Assérac et Herbignac, à savoir les sieurs de Trégus, de Tregen, de La Haye, Trevelec, Kerbernard, Chauvelière et le Quenest. Il s’agissait d’organiser la surveillance des côtes pour empêcher tout débarquement des Espagnols.

Surtout, il existe dans un bois très proche de Kerbernard une motte castrale de dimensions très importantes (une cinquantaine de mètres de diamètre et d’encore quatre à cinq mètres de hauteur). Cernée d’un fossé de deux à trois mètres de profondeur, sa partie supérieure couvre environ 900 m2. Une demi-lune limitée par un fossé y est adossée à l’est.

Des spécialistes archéologues et historiens consultés en mai 2012 ont été surpris par cette importante surface disponible au sommet de la motte. De même, ils ont été étonnés par la faible dimension de la demi-lune limitée par un fossé, trop petite pour accueillir une basse-cour.
Ils en ont conclu que l’habitat était organisé au sommet de la motte et que la demi-lune devait être une sorte de barbacane, soit contemporaine de la construction, soit ajoutée a postériori, dont le but était de renforcer la défense de l’accès à la partie fortifiée. Une telle hypothèse pourrait alors justifier le nom porté à la ferme juste voisine :  la Porte.


De la motte au manoir

Pour ces spécialistes, une telle motte pourrait avoir été élevée dans le dernier quart du Xe siècle et avoir été habitée pendant plusieurs dizaines d’années.
La question est alors de savoir à quel moment les propriétaires d’une telle motte à l’habitat de bois « glissent » vers une construction en pierres et s’il y a une continuité d’occupation sur le site. Selon eux, le manoir de Kerbernard garde des traces d’une occupation précoce, vers le début des années 1200.
Il y aurait alors existé une tour carrée toujours subsistante mais en partie absorbée par des adaptations ultérieures.                   

Tour bâtiment A
 
La base de cette tour conserve encore des éléments de maçonnerie de moyen appareil en grès roussard, matériau qui n’est plus utilisé ultérieurement, épuisé et remplacé par exemple par le granit.
Une telle tour, successeur direct de la tour de bois surmontant une motte, dispose d’un étage de service en rez-de-chaussée et d’une pièce en étage de grande hauteur sous charpente pour le seigneur et sa famille.
Cette distribution est toujours présente à Kerbernard même si, ultérieurement, on est venu greffer une tour d’escalier demie hors œuvre dans l’un des angles de la tour puis un massif de conduits de cheminées dans l’un des pignons et un plancher supplémentaire.

Cette tour élevée au tout début du XIIIe siècle a été rapidement complétée par des bâtiments d’habitation et de services.
Elle a été transformée pour devenir plus agréable.
L’une des baies à traverse côté cour a des moulures classiques des années 1480/1500. Des portes intérieures et une cheminée datent du XVIIIe siècle.
Grâce aux études dendrochronologiques effectuées en août 2013, croisées avec les observations d'archéologie des murs, on peut affirmer aujourd'hui que les éléments de planchers peuvent être datés de 1513. Or ces éléments de planchers ont été placés postérieurement à l'élévation des murs périmétriques : ces murs sont donc forcément au moins du XVe siècle.

D'autres parties de bâtiments ont été construits ou réaménagés en 1649 (résultats des études dendrochronologiques de 2013).

Et les dernières transformations historiques ont lieu un peu avant la Révolution puisqu’un linteau de porte est marqué 1783.
Les transformations ultérieures interviennent pour les nécessités de l’exploitation agricole au XIXe puis au XXe siècle.  

Note sur les études dendrochronologiques de 2013 :
La qualité des prélèvements réalisés sur les poutres et solives de planchers a été excellente et le nombre de cernes exploitables important (jusqu'à 133 ans).
La plupart des arbres dont sont extraites poutres et solives ont été plantés avant 1400, l'un d'entre eux l'ayant été antérieurement à 1346.   


Extrait de la carte de Cassini (planche 159)
© Institut Géographique National

Un manoir fastueux

Toponymie
Exploitation toponymique de documents existants, reportée sur le cadastre de 1825
(la motte castrale a été rajoutée sur le document)

L‘exploitation des documents écrits et graphiques existants révèlent que le manoir de Kerbernard offrait à ses habitants la possibilité d’habiter à la campagne en toute sécurité, dans une demeure protégée et environnée de terres pouvant assurer une production vivrière quotidienne.

On observe les bâtiments de Kerbernard autour d’une cour fermée, avec une porte charretière et une porte piétonne, et une organisation de jardins côtés est et sud.
Une avenue amène au manoir depuis la route d’accès (au nord), grande perspective parfois nommée rabines ou chevauchées.
Une chapelle domestique existe, curieusement assez éloignée du manoir lui-même. Elle a disparu vers 1910.
Un vivier créé en barrant une petite vallée au moyen d’une levée fournit le poisson (saumons, etc.).
De la vigne, un verger, des noyers et châtaigniers accompagnent l’ensemble.
Et une garenne est entretenue dans une grande parcelle, équipée de refuges pour des lapins de garenne. Parmi ces refuges, figure l’ancienne motte abandonnée.

À l’examen des bâtiments subsistants, il peut être estimé qu’une quarantaine de personnes devaient habiter le manoir de Kerbernard pour assurer son fonctionnement et l’exploitation des terres.

En 1696, au décès de Pierre Le Tresle de Kerbernard, un inventaire complet de ses biens est réalisé. Les notaires et priseurs chargés de ce travail consacrent douze jours à inventorier ses papiers, ses propriétés, ses revenus, les meubles et tout leur contenu. C’est probablement lui qui a transformé le lieu défensif de ses ancêtres en un manoir agréable et disposant de toutes les commodités pour disposer notamment de la nourriture quotidienne pour toutes les personnes gravitant autour de la propriété.

Sur la Carte des côtes de Bretagne dressée à partir de 1770, le manoir est parfaitement dessiné et on peut lire qu’un parc de dimensions importantes a été aménagé en ses abords immédiats.

Carte des côtes de Bretagne
Extrait de la Carte des côtes de Bretagne (1770 à 1785)

L'abandon du manoir

À partir  des années 1770/1780, les Le Tresle de Kerbernard semblent ne plus habiter régulièrement les lieux.

Curieusement, Marc Crusson et Jeanne Tual, métayers à Kerbernard, sont décédés le même jour le 5 mars 1783 âgés respectivement de 71 et 74 ans. Y a-t-il eu un incendie dévastateur ? De fait, un linteau d’une baie du bâtiment principal porte cette date de 1783 peut-être mis en place lors de travaux de reconstruction.

Quoiqu’il en soit, les propriétaires de Kerbernard ne l’occupent plus pendant deux cents ans. Ce n’est qu’à partir de 1998 que leurs descendants reprendront les bâtiments pour les occuper eux-mêmes.
Cadastre 1825 (détail)
Détail du cadastre de 1825


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